Source : https://www.corsicamea.fr/personnages/theodore.htm
Théodor Stefan, Baron von Neuhoff von der Ley, est né le 25 août 1694 à Cologne.
Il se trouve en Espagne, lorsqu’il fait la connaissance du chanoine Teramo Orticoni (du diocèse d’Aleria) envoyé à Madrid solliciter, pour la Corse en révolte contre Gênes, aide et protection de la Cour Espagnole.
Orticoni fait comprendre à Théodore que les Corses sont prêts à lui offrir le titre de roi s’il consent à se mettre à leur tête. Théodore accepte et en 1733, il part pour Livourne y entamer des négociations diplomatiques qui vont aboutir rapidement à la libération de Luigi Giafferi et Andrea Ceccaldi, son beau-frère (proclamés tous deux généraux de la Nation corse par la consulta di San-Pancraziu di Biguglia le 22 décembre 1730), des abbés Giovanni Aitelli de Borgo et Carlo-Francesco Raffaellid’Orezza.
A partir de cet évènement les Corses vont lui accorder toute leur confiance. Dès lors, Théodore n’a plus qu’un but : réunir tout ce qu’il trouvera d’argent, d’armes et de munitions de toutes sortes. Il parcourt l’Europe, acceptant les dons de toute nature qui lui sont faits. Après un périple en Méditerranée, en passant par Tripoli, Tunis, Théodore, jugeant qu’il peut se présenter à son peuple d’une façon décente, fait voile vers la corse.
Pendant ce temps, en pleine guerre contre l’oppresseur, la Corse adopte un acte constitutionnel qui décrète sa séparation d’avec Gênes et place l’île sous la protection de la vierge Marie. Après les victoires de Biguglia et de Campoloro en Février, les corses sont battus à Folelli le 17 février.
Un mois plus tard, le 20 mars 1736 exactement, un navire battant pavillon Anglais, accoste dans le port d’Aléria, chargé de cadeaux : de l’argent, de la poudre, des fusils, des vêtement et en particulier des souliers en cuir dont le luxe était encore ignoré en Corse.
Sur l’échelle de coupée, on voit apparaître bientôt un curieux personnage qui se présente comme « baron de Westphalie, grand d’Espagne, lord d’Angleterre pair de France, baron du Saint-Empire, prince du trône romain ». Sa tenue vestimentaire surprend à plus d’un titre Giacinto Paoli (le père de Pasquale), Luigi Giafferi, Sebastiano Costa et le chanoine Albertini venus l’accueillir. Une suite de 16 personnes accompagne le mystérieux étranger aux habits d’apparat : Un officier, un maître d’hôtel, un cuisinier, un majordome, un chapelain, 3 esclaves maures et huit autre domestiques. C’est ainsi que notre île, fait la connaissance de Théodore de Neuhoff, futur premier et dernier roi d’une Corse érigée en monarchie bien éphémère qui ne dura que sept mois (15 avril-13 novembre 1736).
» Je suis ici pour vous aider, pour aider le royaume de tout mon pouvoir et pour me consacrer moi-même à vos intérêts. Ma promesse de faire tout le nécessaire pour libérer la Corse de l’esclavage génois, je la remplirai scrupuleusement pourvu que de votre côté vous fassiez votre devoir envers moi. Je ne veux et ne demande qu’une chose : que vous me choisissiez pour Roi et me permettiez d’accorder la liberté de conscience à tous ceux qui voudront venir d’autres pays habiter en Corse afin d’en accroître la population « .
Le 23 mars, les chefs Corses se rendent à Aléria et le 29, Théodore est à Cervioni accueilli par une foule enthousiaste. Le 15 avril 1736, au couvent d’Alesani, dans une assemblée générale tenue par le Général de Paoli et Giafferi, Théodore est proclamé roi de Corse, sous le nom de Théodore Ier.
Le nouveau monarque se met tout de suite à exercer son autorité; il commence d’abord par organiser une armée régulière, en formant vingt quatre compagnies, dont chacune est composée de deux cents hommes. Il se réserve pour lui le titre de général en chef, et les généraux nationaux lui servent d’aides de camp et de ministres.
Giafferi et Paoli sont nommés Premiers ministres; Costa: grand chancelier, garde des sceaux; Giappiconi devient secrétaire d’Etat à la Guerre.
Le 23 avril il se porte dans la piève de Casinca à la tête de vingt mille hommes armés. Un fort détachement est expédié à Porto-Vecchio pour protéger l’entrée des navires qui doivent (selon ses promesses) porter des secours aux patriotes. La ville de Sartène est assiégée et prise; on y trouve des armes et des munitions, et le 4 du mois de mai 1736 la ville de Bastia est assiégée; mais toute l’énergie et les efforts des patriotes sont inutiles; la ville est défendue par trois mille hommes, en grande partie Suisses, et auxquels s’est alliée la population de la ville.
Blason figurant sur une carte de Covens et Mortier (Amsterdam, XVIIIe siècle). Ce blason en deux parties comporte à droite trois maillons de chaîne coupés et à gauche une tête de Maure Il s’agit d’une modification du blason apportée à l’époque de Théodore 1er, roi de Corse (1736-1738). La décoration suspendue est la médaille de l’ordre de la Délivrance, un ordre de chevalerie créé symboliquement à Sartène par Théodore de Neuhoff et dont il gratifia un bon nombre de notables et de chefs rebelles de Corse en remerciement pour leur soutien.
source info : M. Gérard PAGANELLI |
Le roi Théodore promulgue un manifeste adressé aux habitants de Bastia, mais cette proclamation est rejetée avec dédain, et le gouverneur génois déclare Théodore et ses partisans coupables de haute trahison et de lèse majesté.
Tout en distribuant à profusion les charges, les titres et honneurs (Peretti, Gaffori,Peraldi, recoivent le titre de Comte, Hyacinthe Paoli est promu maquis), il fait des réformes utiles. Il proclame la liberté de conscience et appelle de Barbarie et de Morée des Juifs et des Grecs, qui apportent en Corse leur industrie et leur argent. Il crée une armée disciplinée puis libère les villes de Porto-Vecchio et Sartène (avril 1736), attaque les villes génoises du littoral.
La république de Gênes particulièrement hostile n’épargne aucun moyen pour tenter de l’éliminer. Voyant que la révolution prend des proportions graves, elle cherche tous les moyens pour répandre dans toutes les nations du monde d’affreuses calomnies contre Théodore; puis elle a la lâcheté d’amnistier tous les assassins qui vivent en Corse ou sur son continent, et d’en former un corps d’armée ; quinze cents de ces scélérats débarquent sur le littoral de l’île et commettent des atrocités; mais, surpris sur les côtes de la Balagne, ils sont mis en déroute. Cent cinquante-cinq de ces criminels tombent entre les mains des patriotes; Théodore veut les faire mourir, mais Hyacinthe Paoli s’y oppose malgré l’avis de plusieurs de ses compatriotes et veut à tout prix leur sauver la vie.
Malgré les difficultés, Théodore continue à œuvrer au relèvement de la nation Corse.
Début mai, il fonde un Hôtel des Monnaies (la zecca) au couvent d’ Ornetu di Tavagna, où seront frappées à son effigie des pièces d’or, d’argent et de cuivre portant les lettre T.R. (qui signifie « Theodorus Rex » pour Théodore mais « Tutto Ramo » pour les corse et « Tutti ribelli » pour Gênes) et dont l’exergue représente un bouclier entouré de lauriers et surmonté d’une couronne. Les monnaies de cuivre portent sur le revers les mots : Pro bono publico regni Corsicæ, et celles d’or et d’argent portent : Pro bono et libertate.
A la mi mai, Théodore confisque les biens des Corses pro-génois au profit du Trésor Royal.
Il s’efforce de transformer les villes en centres d’industries, il y établit des tanneries et des fabriques d’armes, il encourage l’exploitation des salines.
Mais les munitions sont bientôt épuisées et en septembre 1736, Théodore décide de partir pour Livourne après avoir formé un conseil de régence, composé de Giacinto Paoli, Luigi Giaffcri et Luca d’Ornano.
C’est alors que la république qui vient de mettre à prix la tête du souverain, fatiguée d’être battue en brèche par les troupes corses commandées par d’Ornano et le brave curé de Zicavo, s’en remet à la France qui, avec à sa tête le comte De Boissieux, entame la pacification de l’île.
A son retour, Théodore déçu par l’accueil plutôt froid de ses sujets décide de repartir pour Naples, confiant ses intérêts dans l’île à son neveu le baron de Drost.
Pendant ce temps, la France décide de remplacer De Boissieux par le marquis de Maillenois qui, peu après son arrivée, publie une proclamation invitant les Corses à obéir aux ordres du roi et finit par gagner leur sympathie en faisant preuve de justice et d’équité.
Au mois de janvier 1743, Théodore, venant d’Angleterre, débarque à l’Ile-Rousse avec des armes et des munitions ; peut-être aurait-il trouvé les Corses disposés à adhérer de nouveau à sa cause s’il n’eût commis la maladresse de proclamer rebelles, ceux qui jouissaient de la confiance du peuple : Paoli, Giafferi, Orticoni et Salvini. Aussi, à l’annonce qu’il fait de secours importants, les Corses lui répondent qu’ils ont surtout besoin d’actes et non de promesses.
Le roi dépossédé, après avoir tenté en vain d’employer la force en bombardant Ajaccio, quitte l’île et s’embarque de nouveau pour Livourne. De là il retourne à Londres (1749) où ses créanciers le font jeter en prison. Il y restera trois ans et en sortira en vertu d’un acte d’insolvabilité.
Le 11 décembre 1756, Théodore meurt dans l’indigence et est enterré dans la fosse commune du cimetière Sainte Anne de Westminster.
La profonde misère dans laquelle se trouvait Théodore avait ému le ministre Anglais Horace Walpole qui avait ouvert anonymement en sa faveur une souscription et il lui fera graver en 1957 cette épitaphe sur une pierre scellée sur le mur extérieur de l’église de Sainte Anne de Soho Square :
Near this place is interred THEODORE, king of Corsica who died in this parish Dec 11 1756 immeditely after leaving the king’s bench prison by the benefit of the act of insolvency. In consequence of wich he registered his kingdom of Corsica for the use of his creditors.
« The grave, great teacher. To a level brings heroes and beggars, galley-slaves and kings. But Theodore this moral learned ere dead: Fate poured its lessons on his living head, Bestowed a kingdom, but denied him bread”.
« Près d’ici est enterré Théodore, roi de Corse qui mourut dans cette paroisse, le 11 décembre 1756, immédiatement après avoir quitté la prison du » Banc du roi » par le bénéfice d’un acte d’insolvabilité. En conséquence de quoi il enregistra son royaume de Corse au bénéfice de ses créanciers ».
« Le tombeau est un grand maître; il met au même niveau héros et mendiants, galériens et rois.
Mais Théodore apprit cette morale avant de mourir. Le destin grava ses leçons dans sa tête (vivante), Il lui accorda un royaume et lui refusa du pain« .
Théodore de Neuhoff, trop souvent injustement qualifié de « roi d’opérette », avait pourtant choisi de consacrer son règne à œuvrer pour libérer de la terrible oppression génoise ce petit royaume que le peuple de Corse lui avait offert.
Respectueux jusqu’à sa mort du serment qui le liait à cette terre à laquelle il avait promis la liberté, Théodore de Neuhoff n’a jamais été pour notre pays l’aventurier que l’histoire a toujours voulu nous dépeindre. Il mérite que nous lui rendions justice.